KikouBlog de Epytafe - Octobre 2011
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Kungsleden V

Par Epytafe - 12-10-2011 23:36:32 - 7 commentaires

29 août

 (Peu d'image aujourd'hui, la raison en est assez simple. Mon APN n'est pas étanche... Par contre, le billet précédent, Kungsleden IV a enfin été équipé en images.)

Un bruit lancinant agite mon sommeil, la pluie est là. Cette fois je vais être bon pour tester les fameuses intempéries laponnes. Lorsque que je me lève et me prépare, personne ne bouge dans le refuge pourtant plein. Je dois être le seul taré à vouloir me mesurer à la pluie. Finalement, un Allemand rencontré la veille me devance, mais il doit partir lui, ses amis l’attendent pour gravir le Knebekaise. Je p’tit-déjeune en solitaire, emballe mes affaires et part, encore seul. Pour 20 mètres. La pluie est vraiment forte, je m’arrête, m’emballe dans une goretex, emballe mon sac et je repars. Le parcours jusqu’à Singi est relativement plat pour autant que je m’en souvienne. Serré dans ma goretex, caché sous mon capuchon qui me masque la vue, je regarde essentiellement mes pompes pour éviter de me vautrer, surtout en traversant les rivières, ponts ou gués, tout glisse.

 

 

Grosse étape aujourd’hui, j’ai prévu de passer le refuge de Singi et de Kaitumjaure pour aller dormir à Teusajaure. La raison en est simple, Tesajaure est au bord d’un lac qu’il va falloir traverser, soit en bateau à moteur soit à la rame. Dans les deux cas, il va falloir composer avec d’autres marcheurs et je suppose que c’est plus simple de me retrouver sur place au petit matin. C’est à ce moment que j’aurai le plus de chance de trouver plusieurs marcheurs, soit pour partager quelques kilomètres de rames soit pour partager les frais d’un bateau à moteur. Dans tous les cas, je me retrouve avec une étape de 14 kilomètres, une de 13 et une de 9.

Je marche aussi rapidement que je peux, concentré à économiser mon énergie. Je ne crains pas la distance mais je ne connais pas encore très bien ce pays et je tiens à économiser ma chaleur. Je suis tellement concentré qu’après 1h30 de marche, je constate que j’ai laissé mon surpantalon étanche dans mon sac et que je suis donc trempé et je commence justement à éprouver ce que je craignais, un certain froid… Une minuscule cabane me sert de vestiaire, ou plutôt le minuscule avant-toit de la minuscule cabane fermée. Je me plaque contre la porte, me déshabille et enfile un collant en mérinos avant de remettre mon pantalon trempé et de le couvrir d’un surpantalon étanche. J’en profite pour me faire un thé et quelques biscuits avant de repartir, réchauffé et ragaillardit.

J’arrive assez rapidement à Singi, et c’est un village fantôme que je traverse. Ça me rappelle quelques bouquins et films qui se passent dans des coins perdus des USA. Je vois des visages à travers les fenêtres, qui me regardent mais personne ne me salue. J’ai beau savoir que tous restent au sec et que la pluie est la seule raison de cette attitude mais vu de mon côté, l’ambiance est bizarre. Je traverse ce décor de mauvais film et repars immédiatement.

Une vallée, une rivière en bas de la vallée et le sentier, plus haut qui longe la rivière, la pluie se calme un peu et je peux profiter du paysage dont la fausse monotonie me ravit. Je suis toujours totalement seul et j’en viens à me demander si je suis un super-héros ou si le suédois moyen est particulièrement hydrophobe ?

La faim qui me tenaille depuis un moment finit par me décider de ne plus m’inquiéter de la pluie. Je me pose sur un rocher et me bricole rapidement un aligot. Ben c’est pas très bon… Un sachet déshydraté, je rajoute un peu d’eau bouillante et attend 5 minutes comme indiqué. Mais même si c’est pas bon, c’est chaud et nourrissant et j’apprécie assez le truc finalement.

 

 

Un thé et je repars.

Après quelques autres kilomètres passés à longer la rivière, le sentier finit par la traverser via un pont suspendu en câbles avant de franchir une ou deux collines. La pluie s’est arrêtée et quelques rayons percent les nuages. En même temps, j’entre dans une forêt de bouleaux. La lumière est magique et je me retrouve en pleine féerie. J’espère à nouveau croiser un élan. Ces anachorètes me fascinent et je tiens à en voir un sur pattes. Imaginez, 6 à 700 kilos de muscles, une grosse barre de cornes et une vitesse de croisière de 55 km/h. Une recherche antérieure sur wikipedia m’a appris que le Tsar en avait interdit le dressage pour la simple raison que les chevaux, qui équipaient la police, n’arrivaient pas a les rattraper, les élans et surtout les bandes de brigands qui les montaient. J’en viens à mythifer cette rencontre, j’espère un face à face, je veux rencontrer le grand élan comme un vieux sage solitaire. Mais malheureusement ce n’est pas encore aujourd’hui que je croiserai le vieux sage. Pour tout vous dire, en terme d’élans, les seuls que je croiserai lors de ce voyage seront sous forme de saucissons en vente au free-shop de l’aéroport. Dommage.

Malgré ce besoin aigue de tutoyer le grand élan qui me ronge douloureusement, je continue à me balader dans une sorte de transe, tant je patauge dans cet eden polaire. Faut dire que le menu est élaboré. Je suis dans une forêt clairsemée, de bouleaux. Le sol est recouvert de 10 bons centimètres de mini arbustes, arbustes qui lui confèrent une incroyable souplesse. De plus, ces nordiques végétaux utilisent toutes leurs forces pour tendre à bout de branches des baies, outrageusement colorées et appétissantes. Une rasta blonde rencontrée la veille qui en est à son troisième kungsleden m’a affirmé qu’elles sont toutes comestibles et je ne me régale, inconscient ou confiant que je suis en la disciple de Saint-Bob.

J’arrive finalement à la deuxième étape du jour, Kaitumjaure. Je m’arrête quelques instants afin de me ravitailler à la butik et repars rapidement pour les 9 derniers kilomètres. L’endroit est accueillant et j’y croise quelques sympathiques marcheurs qui auraient vite fait de me détourner de mon but. Une fois équipé en saucisses, chocolat et boites de thon, je repars donc, longe une rivière, la traverse via un pont, traverse une barrière destinée à endiguer les troupeaux de rennes et me tape un méga coup de barre à un petit kilomètres de Kaitumjaure…

Je mobilise mes énergies, me concentre, rappelles-toi Epy, tu as connu le mur, tu as connu l’atroce nuit Steenwerckoisiennes (morne plaine). Rappelles-toi que tout le 59 se livrait à d’atroces libations éthylisées alors que tu courais dans la noire nuit ! Mon mental prend donc péniblement le dessus et je repars. Je décide de m’accorder une pause au bout d’une heure et croque quelques cookies chocolatés. La fin du parcours est difficile, montée, haut plateau, et descente. La pluie qui revient en force rend la descente difficile et un peu dangereuse. J’évite de me vautrer vu que le réseau gsm n’est ici qu’un fantasme pour amateurs boutonneux de SF.

 

 

Le refuge est tenu par un papy qui m’explique le règlement local. Il me montre, ô délice nordistes, la cabane à sauna avant de m’engueuler parce que je m’y rends. Finalement, je comprends qu’il veut encaisser le prix de la nuit à 20h00 pile….

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