Par Epytafe - 15-09-2011 17:06:31 - 10 commentaires
28 août
Les jours commencent enfin à se ressembler doucement, je commence doucement à rentrer dans le rythme quotidien de la marche, exit internet, ordis, téléphones portables. Il y a très longtemps, exactement trois matin, juste avant de franchir le portail d’entrée du Kungsleden, j’ai attendu au bord de la route pour laisser passer une voiture, depuis je n’ai pas entendu de moteurs. Doucement, mon quotidien se transforme pour quelques délicieux jours, il s’accorde dans son entier au rythme de mes pas, sublime dépaysement.
Je suis à nouveau le premier à partir, je laisse à Vistas le seul français rencontré sur le Kungsleden, Johnathan, émigré de cœur en Suède. Il faut dire que la littérature concernant le Kungsleden n’existe pas en français. A part un ou deux ouvrages en allemand et un seul et unique en anglais, il faut apprendre le suédois ou improviser. Mais la rareté des rencontres n’empêche pas les renseignements de circuler, la preuve, je suis déjà en train d’explorer une vallée parallèle à la route initialement prévue.
Je traverse un pont qui enjambe la fougueuse rivière qui m’a bercé et débute une rude montée. Aujourd’hui, je vais passer un col et longer un lac qui flirte avec les 1200 mètres d’altitude. Ce sera ma plus haute journée, ce qui me permettra d’arpenter des paysages que je pourrais qualifier de lunaires pour autant que la lune soit pourvue de tonnes et de tonnes d’eau. Je longe un torrent déchainé pendant une dizaine de kilomètres, il est déchaîné et je passe de nombreuses cascades magnifiques, encore une fois, je suis absolument seul, enivré de beauté et d’un fugace mais puissant sentiment de liberté.
La pente se fait peu à peu moins rude et les précipitations de la nuit sont encore bien présentes, le sentier est inondé et je patauge dans la boue, Mais je ne veux marcher à côté de la trace, je ne veux pas, de peur de l’abimer, marcher dans cette espèce de végétation polaire, extrêmement variée pour peu que je me penche pour l’examiner. Les fleurs s’élèvent fièrement de 3 bons centimètres au dessus du sol au milieu de mousses et d’arbustes qui ne m’arrivent pas à la cheville.
La végétation se fait de plus en plus rare, laissant la place à des pierriers Après 10 kilomètres, le refuge de Nallo apparait sur ma gauche, le décor est grandiose, une large rivière nous sépare et j’ai beau m’arracher les yeux, je ne vois pas de pont. Une pancarte m’avertit que si je continue tout droit, je vais aller à VAD. Non seulement je ne vais pas à VAD mais à Salka et en plus je dois emprunter la vallée sur la gauche. Mais devant les 20 mètres d’eau tourbillonnante qui me séparent du refuge de Nallo, je me dirige en direction de Vad, espérant trouver un sentier ou tout au moins une explication.
Après 500 mètres, une nouvelle pancarte m’indique que Vad est sur ma gauche, dans la rivière et c’est là que j’ai un éclair de génie, Vad signifie tout simplement gué en idiome local… La rivière est beaucoup plus large à cet endroit, 40 bons mètres, donc elle est nécessairement moins profonde. Et c’est heureux comme un gamin que je sautille de pierre en pierre, cherchant ma route, revenant sur mes pas, il me faudra bien 20 minutes pour passer et je rigole comme un fou. Devant le refuge, ce qui ressemble à un être humain me regarde passer. La première rivière passée, je dois encore traverser la deuxième, le refuge de Nallo est en effet construit juste à la jonction de deux rivières et le cirque gué recommence pour mon plus grand plaisir.
J’arrive devant le refuge et un vieux bonhomme sec et droit me salue et me demande si je compte passer la nuit dans sa cabane. Je décline gentiment et il soupire, le refuge de Nallo est situé sur un sentier très peu fréquenté et entre deux refuges éloignés de 10 kilomètres chacun, le gardien s’emmerde donc la moindre… Je profite pour lui demander mon chemin et il m’accompagnera sur un kilomètre pour me mettre sur la bonne voie. Ensuite il me dit de suivre la rivière en la gardant à ma gauche et de faire pareil avec le lac alors que le sentier passe à droite dudit lac. Je ne saurai jamais si c’est de l’humour suédois… Parce j’ai suivi son conseil et j'ai beaucoup beaucoup pataugé….
Je quitte donc le comique troupier et continue à grimper un moment dans ce qui ressemble de plus en plus à une lune humide. 100 mètres en dessous du sentier le torrent hurle, parfois quelques rennes s’enfuient en m’apercevant. Ces palmipèdes sont terriblement craintifs, et c’est uniquement par très gros brouillard que j’arriverai à les approcher.
J’arrive au lac, un sublime et pur miroir de montagne, 2 kilomètres de long environ pour 500 mètres de larges. Je le garde donc à ma gauche comme me l’a conseillé le papy. Le terrain est un pierrier, un très vieux pierrier couvert d’une espèce de mousse noirâtre. Dessous, dessus ruisselle des quantités énormes d’eau. Comme je suis le seul et unique couillon à passer par là depuis au minimum 2 siècles, la mousse à tout envahi, elle est glissante et elle cache les trous du pierrier, il faut donc poser le pied avec précaution car il est impossible de savoir si il y a quelque chose sous la mousse et je me tord régulièrement les chevilles quand je ne me casse pas la figure en glissant. Je suis un peu énervé, d’autant plus que comme partout dans le grand nord je n’ai pas de réseau natel (faut bien que je place un helvétisme parfois). Donc, en cas d’accident je serais vraiment dans la mouise…
J’avoue ne pas bien comprendre le comportement du papy rigolo, mais je ne suis pas passé de l’autre côté, peut-être était-ce vraiment pire ? J’ai toutefois entraperçu deux bipèdes qui longeaient le lac de l’autre côté et leur démarche avait l’air bien moins emprunté que la mienne… Bref, je ne saurai pas mais j’ai de la peine à imaginer ce paisible grand-père me jouer un tour de cochon….
Une fois passé le lac, je cherche me retrouve sur un plateau entouré de montagnes, toujours en train de patauger sur cette mousse noire. Je cherche un moment avant de retrouver le sentier, mais finalement un cairn me permet de me réorienter. Une autre traversée de rivière agitée me procure un petit coup de stress. Plus loin, je croise deux extra-terrestres… Deux très très vieux suèdois (entre 70 et 80 à vue de nez) équipés de sacs à dos style 70’s, tu te rappelles ? Ces sacs à dos avec l’armature en alu que tu pouvais rabattre pour le transformer en fauteuil ? Sur chacun de ces sacs pleins à craquer sont attachées sacs de couchages, matelas et tentes. Des tasses de fer blanc pendent également de ces amoncellements anthropoportés. Je discute quelques minutes avec le couple et je les préviens qu’il y a un gué difficile. La Dame offusquée m’explique gentiment qu’elle parcourt ces plateaux depuis l’époque préhistorique et qu’elle connait donc le terrain. Nous nous quittons sur un grand sourire.
Peu après, je vois le refuge, tout en bas d’une autre vallée. Refuge que j’atteins après une petite heure de plongée vertigineuse…. Là bas, un autre sauna également posé à côté de la rivière tout aussi glacée. Le refuge de Salka est constitué de 4 petits chalets, dans un, 6 ou 7 ados en camps de vacances. Et je rigole tout haut de voir les 6 ou 7 ados planqués et alignés pour aller regarder la rivière lorsque le sauna est réservé aux dames….
Par Epytafe - 11-09-2011 16:35:37 - 9 commentaires
27 août
Dans mon sac, il y a : une tente, un pantalon de rechange, 2 t-shirts, un sac de couchage, 2 paires de chaussettes, un pantalon et une veste imperméable, une doudoune de grimpeur (légère, 700 grammes), un réchaud à gaz avec une cartouche de réserve, 300 grammes de thé vert, un couteau (suisse), une frontale, 3 bouquins 3 cartes, un Diana, 2 litres d’eau, 5 repas lyophilisés, un GPS et un nécessaire à Macha ceci additionné au poids du sac pour un total de 17 kilos.
Le lendemain, je repars tôt. Tôt est plutôt relatif, 08h00… Mais je remarque à quelques grognements énervés que mes préparatifs dérangent mes colocataires d’une nuit. Il faut aussi préciser que les fenêtres sans rideaux ont laissé poindre une belle lueur durant toute la nuit et que mon passage aux wc vers 2 heures du mat’ ne nécessitera pas l’aide d’une frontale. Ce n’est plus le soleil de minuit, certes, mais je ne verrais aucune étoile durant mon périple, les nuits sont encore bien trop claires. Nul besoin donc d’être matinal.
Dans le train pour Abisko, j’ai eu l’occasion de tailler le bout d’gras avec un papy de Stockholm qui vient chaque année passer ses vacances dans le grand Nord depuis 40 ans. Et il m’a conseillé de quitter le Kungsleden à partir d’Allesjaure (où je suis) pour m’offrir un petit détour de deux jours via la vallée de Vistas. J’ai un peu hésité à suivre son conseil, ayant un peu peur de trop m’éparpiller si j’écoute le premier grand-père venu. D’un autre côté, il m’a dit que la vallée de Vistas était gangrénée d’ours et d’élans et que l’humain y était vraiment très très rare…. Or hier, j’ai au minimum croisé 20 personnes et si j’ai choisi le Kungsleden pour mes vacances au lieu du GR5, c’est entre autre pour donner libre cours à ma sauvagerie naturelle !
En quittant le refuge ce matin, je remarque que 08h00 est réellement tôt en Suède, je suis le premier à partir. Je suis le Kungsleden sur 300 mètres puis, d’un pas décidé comme seuls les majorettes et les Suisses romands en voie d’égarement scandinaves savent les faire, je quitte le Kungsleden pour 2 jours !
Le sentier que je suis repart en arrière pour longer le lac mais de l’autre côté et traverse un hameau fantôme, Alisjávri. Il me faut traverser une dizaine de ruisseaux plus ou moins larges, j’apprendrai plus tard que le gué est un vrai sport national par là-haut, non sans risques d’ailleurs. Alisjávri (aller trouver le á sur un clavier….. Quelle langue….) est un assemblage d’une trentaine de maisons rouges pour la plupart, réparties sur le bord du lac, aucunes routes n’y mène et le seul véhicule que j’y verrai est une sorte de mini machins militaires, je sais, c’est pas clair, disons que ça fonctionne à chenilles. J’y verrai également quelques huttes sámi traditionnelles. Pour en avoir vu en divers états de décomposition, je peux vous dire qu’elles sont constituées d’une charpente grossière sur laquelle est étalée de longues bandes d’écorces de boulot retournées. Ensuite, de la terre est amassée sur ces bandes (je ne sais par contre absolument pas si celle-ci est mélangée à un liant quelconque). Au fur et à mesures des années, elles se fondent parfaitement dans le paysage vu que de la végétation fini par y pousser. Seules une minuscule fenêtre et une cheminée la trahissent.
Après un tour et demi du fantôme-bled, je finis par dénicher un bout de trace qui fait vaguement penser à un sentier et le suis. Le parcours est fidèle aux traditions locales ! ça grimpe le long de la vallée, traverse un haut-plateau, très court cette fois avant de redescendre. Ce qui change ici, c’est qu’au lieu de la brutale descente traditionnelle, celle-ci est longue et douce, le long d’une immense vallée dans laquelle pousse une forêt de bouleux, c’est magnifique et désolé, d’autant plus que je suis absolument seul. Parfois, je me demande vaguement quelle réaction je devrai avoir quand je croiserai mon premier ours… ? Le saluer poliment ? Devrai-je enlever mon chapeau histoire de faire preuve d’un respect suffisant où pourrai-je le tutoyer ? Et s’il est agressif, j’ai lu qu’il fallait lui laisser quelque chose à manger et s’en aller doucement à reculons… Mais est-ce qu’un ours aimera un sac en alu contenant de l’aligot lyophilisé ?
L’étape de ce jour ne fait que 18 kilomètres, alors je musarde un peu, prend le temps de quelques pauses thé et fait de fréquents arrêts pour jouir du paysage fantastique. Ce massif montagneux est le plus vieux d’Europe, plus de 600 millions d’années et si les locaux affirment que les plus hauts sommets y dépassaient allégrement le noble Everest, il y a fort longtemps et les courbes y sont maintenant tout en douceur.
Je ne veux pas doubler les étapes aujourd’hui, la suivant fait 19 kilomètres, ce qui ferait un totale de 37 et elle m’a été annoncée comme dangereuse par le papy du train, et je nourris pour la montagne qui me reste largement inconnu un respect légèrement craintif qui me pousse à rester prudent. À 15 heures, l’affaire est bouclée et j’arrive au refuge de Vistas sans avoir vu le moindre ours ni élan. Ce refuge est tenu par un couple absolument charmant et intarissable sur la région. Cool, je vais rentrer avec dans la tête 12'000 projets de rando nordiques !
Comme dernière vue, la spacieuse salle de bains du refuge de Vistas.....!
Par Epytafe - 09-09-2011 15:19:41 - 7 commentaires
Abisko, 25 août,
Le train me dépose, fourbu. Abisko c’est le bout du monde, 23h30 de voyage prévus, mais je dépasse les 25h. Abisko c’est le bout du monde, une gare, un lac et trois baraques. Lancé en 1907 pour rentabiliser un peu plus la nouvelle North Iron Line, qui livre les minerais extraits à Kiruna au port de Narvik, tout en surfant sur l’engouement populaires pour la culture sámi, Abisko connaît un semblant de fréquentation surtout grâce aux allumés qui se lancent sur le Kungsleden. C’est aussi un point d’accès pour tenter l’ascension du Kebnekaise, le plus haut sommet de Suède (environ 2100 mètres, mais ça décroit). 2 à 4 jours de marche d’approche avant l’ascension puis un jour après pour rejoindre Nikkaluokta d’où un bus te ramène à une gare routière dans laquelle tu trouveras un bus susceptible de te ramener vers un semblant de civilisation, pas simple le Nord.
Une fois à Abisko, t’as le choix entre chercher un lit dans un des baraquements ou partir immédiatement pour Abiskojaure, première étape à 13 kilomètres. Je choisis l’option baraquement. Parce que je dois m’équiper en gaz et parce que je suis vanné par mes 25h de voyage.
Tous les baraquements le long du Kungsleden, et loin aux alentours également sont tenus par la STF, la fédération suédoise du tourisme, cette même fédération est également à la base de la création du Kungsleden, en 1874 si ma mémoire est bonne. Comme en Scandinavie tout passe par des cartes de membres, on me déleste de 290 SEK et me voilà estampillé membre actif. Comme chaque nuit coute 100 SEK plus chers aux non membres, le calcul est vite fait. De plus j’aurai à de nombreuses reprises l’occasion d’apprécier l’incroyable travail de cette fédération sur cette route. La partie nord du Kungsleden est en effet extrêmement bien entretenue, après ça se gâte un peu.
Je profite de mon passage dans la Butik du coin pour remplir mon sac de délices déshydratés tels que Chilli con Carne (qui sera du Nasi Goreng) et poulet au curry. Ça complètera agréablement l’aligot en poudre. Ensuite, un sauna et quelques heures de sommeil avant le grand départ.
26 août.
Après le traditionnel pesage de sac, me voilà parti. Un portail marque le début du Kungsleden, et j’arpente une forêt de bouleaux pendant une quinzaine de kilomètres, longeant un torrent furieux dont j’apprécie le chant. Après quelques kilomètres, un traileur me dépasse. Nous discutons 2 minutes et il me raconte qu’il va à Salka, soit à 60 kilomètres, sont équipement pèse 4 kilos, j’ai l’air fin moi avec mes 17 kilos (dont 2 litres d’eau…).
L’eau, c’est un truc qui ne cessera pas de me réjouir, il y en a partout, et il suffit de se baisser pour remplir sa gourde, sa poche à eau ou sa casserole. Un truc de fou, elle est totalement transparente et apparemment potable. Moi qui doit prévoir une boîte d’immodium dès que je me rends au Luxembourg, Je n’aurai pas le moindre problème avec ma si sensible tripaille.
Le chemin est relativement bien marqué, surtout sur les 5 premières étapes, les plus fréquentées, mais une carte n’est pas de trop car les sentiers sont relativement nombreux et on se perd vite.
Très vite, je foule ce qui est l’image même du Kungsleden aussitôt qu’on se prend à googliser ce nom barbare, un monotrace qui part à l’infini dans le grand désert du Nord, monotrace constitué de deux planches parallèles. Effectivement, la STF fait un travail de fou, dans cette partie nord, le moindre morceau de terre humide est couvert de deux planches qui permettent d’économiser nos souliers et accessoirement de protéger le biotope.
Après 13 bornes, j’arrive à Abiskojaure, le premier refuge est situé à côté d’un lac, c’est bucolique mais 3 heures de marche ne me suffisent pas, je me décide immédiatement à continuer jusqu’à l’étape suivante, Alesjaure à 22 kilomètres. Le sentier grimpe une vallée entre deux montagnes, je profite d’une rivière pour un arrêt macha, puis traverse un magnifique haut-plateau, au loin, un camp sámi qui a l’air désert. Après une dizaine de kilomètres, le sentier redescend et longe un lac. Un panneau propose aux marcheurs de les emmener au refuge sur les 5 derniers kilomètres, beaucoup acceptent, fatigués par les 30 bornes dans les pattes, pas moi je ne suis pas venu ici pour la plaisance, non mais !!! Il commence à pleuvoir et je presse le pas. J’arrive au refuge d’Allesjaure 30 secondes avant le début des vraies festivités, ce jour là, je serai chanceux….
Le terme haut-plateau peut paraître quelque peu abusif pour qui s’intéresse un peu au Népal, Tibet ou autre Ethiopie. Mais au Nord du cercle polaire, plus rien ne pousse au-delà de 600 mètres d’altitude à part quelques herbettes. C’est donc presque le profile traditionnel d’une journée de marche sur le Kungsleden. Tu grimpes, vers 600 mètres d’altitude, tu sors de la forêt, puis vers 1000 mètres, tu traverses un haut-plateau avant de redescendre.
Le refuge est assez grand et bien aménagé. Comme dans 90% des refuges le long de cette voie, il n’y a pas d’électricité. L’éclairage se fait donc à la bougie ou parfois aux becs à gaz. L’ambiance devient vite très particulière, la pénombre due aux minuscules fenêtres éclairées par quelques bougies donne une teinte très particulière à ces refuges.
J’ai de la chance, il y a un sauna. Celui-ci est situé en dessous du refuge, une petite cabane en bois, 2 pièces. Dans la première, quelques sauts d’eau glacée puisée directement à la rivière que l’on voit sortir du glacier, à 500 mètres du refuge. Puis le sauna proprement dit, chauffé au feu de bois de boulot, la température n’y est pas très élevée, environ 70°. Les Suédois y restent plutôt longtemps, ils s’y rendent avec une ou deux bières et se relaxent en rigolant. Généralement, le sauna est réservé aux femmes pendant 90 minutes, ensuite aux hommes pendant le même laps de temps puis devient mixte.
Je me plie, curieux, aux traditions locales. Je reste donc 20 minutes dans le sauna à transpirer, puis sort sur la terrasse de la baraque, à poil, sous la pluie glaciale, il doit faire 5°… Ensuite, je retourne suer un moment avant de faire le grand saut. Plonger dans la rivière qui provient tout droit du glacier… L’effet est garanti, le froid coupe le souffle quelques secondes avant que le corps ressorte la chaleur emmagasinée dans l’étuve. L’expérience est fantastique, je trouve un coin pas trop profond et m’assied quelques minutes dans l’eau pour admirer un arc en ciel. Les courbatures du jour seront très vite oubliées avec un tel traitement. Comme je prends un vrai plaisir à ce traitement, je traine un peu et quelques filles arrivent. Le rapport des locaux à la pudeur n’est pas une légende, on est une dizaine, une bière à la main, dans le sauna, dehors sous la pluie ou dans la rivière à déconner….
Par Epytafe - 08-09-2011 01:56:51 - 6 commentaires
Parfois, le confort, ça se résume à pouvoir aller pisser sans avoir à remettre 2 couches d’habits trempés et puants, sans avoir à patauger dans la boue.
J’avance doucement dans ces marais. C’est mon 11ème et dernier jour le long de ce trek, j’ai pas mal poussé la machine ces derniers jours, et depuis hier, un tambourinement inhabituel dans la poitrine me le rappelle douloureusement. Continuer serait tout au moins contre-productif pour ne pas dire un peu con… Surtout que les hôpitaux par ici… C’est pas qu’ils sont mauvais, c’est juste qu’ils sont loin, très loin. La boue colle aux chaussures, et parfois, un trou plus profond avale ma jambe jusqu’à mi-mollet. Pour un peu que l’autre jambe suive et après c’est toute une histoire pour s’en dépêtrer. Sans compter que les pompes se remplissent d’eau et que par 68° de latitude Nord, l’eau n’est pas bien chaude. C’est pas vraiment le froid le problème, ou plutôt si, le problème c’est le froid humide que tu traines sur plusieurs jours. Remettre les paturons dans des chaussettes mouillées et glacées avant d’enfiler des chaussures glacées et mouillées, parfois ça rend le début de journée un peu difficile. C’est surtout en descente que tu le ressens. Quand ta foulée devrait être souple pour amortir le poids de ta carcasse additionnée au poids du sac à dos que tu réalises les conséquences du froid. Quand tu buttes les orteils contre un caillou aussi d’ailleurs... Les jambes sont raides et c’est le dos qui ramasse et tu te prends à penser à un lumbago, qui te mettrais vraiment dans la merde…. Parce que si dans le Nord tu croises régulièrement des randonneurs de toutes sortes, dans le sud du Kungsleden, in n’y a virtuellement personne. Pas un seul être humain en trois jours, si, une tente, vue de loin. Ils te disent qu’en Suède, il y a 2,5 habitants par kilomètres carrés, et le Norrland, c’est plutôt la partie qui tire la moyenne vers le bas, alors ils ont pas non plus cru bon d’installer des relais pour la téléphonie mobile.
En fait c’est ça qui est marrant ici, c’est cette sensation de ne pouvoir compter que sur toi. C’est toujours le cas en fait, dans la vraie vie, mais il y a différentes formes d’illusions qui t’aident à ne pas trop y penser. Mais peut-être qu’après six mois de Kungsleden on ne s’en rend plus compte ?
Dans une heure je devrais arriver au détroit, là il me faudra ramer pour le traverser, une fois si j’ai de la chance et que les deux barques sont de mon côté, trois fois si il n’y a qu’une barque de mon côté. Ensuite, encore 6 ou 7 kilomètres de boue et je serai à Jäkkvik. Parce qu’ici, il y a 3 barques pour traverser les lacs ou les rivières, et tu t’arranges pour qu’il reste toujours au moins une barque de chaque côté. C’est intelligent comme système, et ça repose sur une belle confiance…