Par Epytafe - 24-12-2012 22:29:42 - 5 commentaires
Conte de Noël....
Les amateurs de musique gothique, d'habits noirs, d'ambiances dark ont peut-être eu la chance de fréquenter l'Intrepid Fox, un lieu parfait pour qui veut mélanger les ivresses, celle de l'alcool certes, mais celle de la musique également. De plus, tout porteur d'habits vantant les mérites d'une équipe de foot y était interdit. Une valeurs sûre! Ambiances lourdes, voies éthérées, influences pseudo-celtiques et snakebite, tout était réuni dans ce pub de Soho pour passer la meilleure des nuits. Le Snakebite, parlons-en du Snakebites! Censé rendre fou, il a en fait le même résultats que l'absinthe. Mélange de cidre et de bière, ça soûle et c'est tout! Mais ça reste un mélange légendaire, à tel point que la plupart des débits de boissons de la dite-perfide Albion refusent d'en servir.
Je passais donc une soirée à me défoncer l'entendement avec C. C. était jeune fille au paire à Londres, et un précédent week-end londonien nous avait permis de terminer la soirée par un rapprochement suisso-suisse bien peu propice aux échanges culturels.
La musique était belle, j'ai toujours aimé la musique gothique, même si je suis plus que dubitatif sur certaines excentricité du mouvement goth, même si l'absence totale d'intérêt que je porte aux contraintes vestimentaires me laisse quelque peu pantois. Les décibels nous portaient, la tension caractéristique pré-coïtale nous maintenait et l'alcool transmutait le tout en véritable élévation spirituelle. Mais un besoin urgent se fit sentir et ramena mon élévation spirituelle au niveau d'un urinoir de porcelaine. Je me rendis donc, seul, dans cet endroit sombre et puant propres aux débits de boissons d'outre-manche. L'endroit était bondé et je pris sagement ma place dans la file. Un type entre après moi, maigre, très maigre, de longs cehveux noirs, le visage maquillé de blanc sur lequel il a dessiné quelques croix inversées. De plus, il est en chaise roulante. Il se précipite sur le distributeur de préservatif avec quelques pièces d'une pound dans la main. L'appareil étant placé trop haut, il me demande de l'aide. J'introduis une pièce, la machine la rejette, une autre, elle est rejetée de même. Énervé, mon vampire en chaise roulante se lève et va se servir lui-même, me laissant quelque peu surpris par la scène...
Plus tard, C. et moi décidant qu'un changement de pub nous permettrait de flirter plus à notre aise, nous opérons un déplacement d'une petite centaine de yards et nous nous retrouvons dans un pub beaucoup plus calme, quelques quinquas isolés y cultivent leurs cuites et nous ignorent. Bien, c'est justement ce que nous souhaitions. Pourtant, les bribes de français que nous échangeons attirent un papy. Il se lève et, poliment, se joint à nous. Rapidement, le mec m'intrigue. Il prétend ne pas parler français mais laisse échapper une phrase sur l'ambivalence de la politique européenne pratiquée par le gouvernement suisse. Pas mal pour un non francophonisant...!
La cloche qui sonne nous ramène à notre triste réalité, la loi de sa très gracieuse majesté the Queen ne nous permet plus qu'une dernière bière. Notre anglo-chaperon nous propose de nous inviter dans un club voisin dont il est membre. Je suis assez peu intéressé, mais C. semble avoir encore soif, et moi je suis galant... Notre voisin de table nous entraîne donc dans une ruelle sombre de Soho, il ouvre une porte et nous grimpons à sa suite quelques étages. Une ou deux portes plus tard, il nous ouvre la porte d'un incroyable loft. Mezzanine, vue plongeante sur Soho, les magnétophones entassés contre une paroi (on est en plein dans les 90's) éveillent un truc en moi, mais j'ai dépassé depuis longtemps le taux d'alcoolémie nécessaire à un reste de bon sens.
Notre hôte nous sert un whisky énorme et branche une vidéo. Un film porno, un truc crade qui doit probablement outrepasser de loin les lois anglaises, mais je n'entrerai pas plus dans les détails, je vous rappelle que c'est d'un conte de Noël dont il s'agit! Notre nouvel ami nous explique qu'il va s'absenter quelques minutes afin de pourvoir à nos besoins de nicotine et il s'en va. De plus en plus inquiet, je regarde la vue, goûte mon whisky et explique à C. que la situation commence à me déplaire. Elle est surprise, puis elle m'accuse de non-coolitude! Je plaide coupable et je lui explique que l'on ferait mieux de se tirer au plus vite. J'insiste, elle se braque. J'ultimatumise donc en lui expliquant que je vais me tirer, seul s'il faut. Elle me suit en maugréant et nous descendons les escaliers au pas de côurse avant de sortir dans la ruelle sombre. Au coin de la ruelle, nous croisons notre hôte qui revenait, probablement equipé de cigarettes, mais également accompagné de deux amis. Parano de notre part? Nous ne saurons jamais, mais le film gore qui continue à se diffuser pour les murs quatre étage plus haut me laisse pensif...
Ensuite ? On a pris le métro et on est rentré, chacun chez soi... Je n'ai jamais revu C., c'est fragile les amours adolescentes, à peine on croise un allumé que tout part en vrille.
Par Epytafe - 12-10-2011 23:36:32 - 7 commentaires
29 août
(Peu d'image aujourd'hui, la raison en est assez simple. Mon APN n'est pas étanche... Par contre, le billet précédent, Kungsleden IV a enfin été équipé en images.)
Un bruit lancinant agite mon sommeil, la pluie est là. Cette fois je vais être bon pour tester les fameuses intempéries laponnes. Lorsque que je me lève et me prépare, personne ne bouge dans le refuge pourtant plein. Je dois être le seul taré à vouloir me mesurer à la pluie. Finalement, un Allemand rencontré la veille me devance, mais il doit partir lui, ses amis l’attendent pour gravir le Knebekaise. Je p’tit-déjeune en solitaire, emballe mes affaires et part, encore seul. Pour 20 mètres. La pluie est vraiment forte, je m’arrête, m’emballe dans une goretex, emballe mon sac et je repars. Le parcours jusqu’à Singi est relativement plat pour autant que je m’en souvienne. Serré dans ma goretex, caché sous mon capuchon qui me masque la vue, je regarde essentiellement mes pompes pour éviter de me vautrer, surtout en traversant les rivières, ponts ou gués, tout glisse.
Grosse étape aujourd’hui, j’ai prévu de passer le refuge de Singi et de Kaitumjaure pour aller dormir à Teusajaure. La raison en est simple, Tesajaure est au bord d’un lac qu’il va falloir traverser, soit en bateau à moteur soit à la rame. Dans les deux cas, il va falloir composer avec d’autres marcheurs et je suppose que c’est plus simple de me retrouver sur place au petit matin. C’est à ce moment que j’aurai le plus de chance de trouver plusieurs marcheurs, soit pour partager quelques kilomètres de rames soit pour partager les frais d’un bateau à moteur. Dans tous les cas, je me retrouve avec une étape de 14 kilomètres, une de 13 et une de 9.
Je marche aussi rapidement que je peux, concentré à économiser mon énergie. Je ne crains pas la distance mais je ne connais pas encore très bien ce pays et je tiens à économiser ma chaleur. Je suis tellement concentré qu’après 1h30 de marche, je constate que j’ai laissé mon surpantalon étanche dans mon sac et que je suis donc trempé et je commence justement à éprouver ce que je craignais, un certain froid… Une minuscule cabane me sert de vestiaire, ou plutôt le minuscule avant-toit de la minuscule cabane fermée. Je me plaque contre la porte, me déshabille et enfile un collant en mérinos avant de remettre mon pantalon trempé et de le couvrir d’un surpantalon étanche. J’en profite pour me faire un thé et quelques biscuits avant de repartir, réchauffé et ragaillardit.
J’arrive assez rapidement à Singi, et c’est un village fantôme que je traverse. Ça me rappelle quelques bouquins et films qui se passent dans des coins perdus des USA. Je vois des visages à travers les fenêtres, qui me regardent mais personne ne me salue. J’ai beau savoir que tous restent au sec et que la pluie est la seule raison de cette attitude mais vu de mon côté, l’ambiance est bizarre. Je traverse ce décor de mauvais film et repars immédiatement.
Une vallée, une rivière en bas de la vallée et le sentier, plus haut qui longe la rivière, la pluie se calme un peu et je peux profiter du paysage dont la fausse monotonie me ravit. Je suis toujours totalement seul et j’en viens à me demander si je suis un super-héros ou si le suédois moyen est particulièrement hydrophobe ?
La faim qui me tenaille depuis un moment finit par me décider de ne plus m’inquiéter de la pluie. Je me pose sur un rocher et me bricole rapidement un aligot. Ben c’est pas très bon… Un sachet déshydraté, je rajoute un peu d’eau bouillante et attend 5 minutes comme indiqué. Mais même si c’est pas bon, c’est chaud et nourrissant et j’apprécie assez le truc finalement.
Un thé et je repars.
Après quelques autres kilomètres passés à longer la rivière, le sentier finit par la traverser via un pont suspendu en câbles avant de franchir une ou deux collines. La pluie s’est arrêtée et quelques rayons percent les nuages. En même temps, j’entre dans une forêt de bouleaux. La lumière est magique et je me retrouve en pleine féerie. J’espère à nouveau croiser un élan. Ces anachorètes me fascinent et je tiens à en voir un sur pattes. Imaginez, 6 à 700 kilos de muscles, une grosse barre de cornes et une vitesse de croisière de 55 km/h. Une recherche antérieure sur wikipedia m’a appris que le Tsar en avait interdit le dressage pour la simple raison que les chevaux, qui équipaient la police, n’arrivaient pas a les rattraper, les élans et surtout les bandes de brigands qui les montaient. J’en viens à mythifer cette rencontre, j’espère un face à face, je veux rencontrer le grand élan comme un vieux sage solitaire. Mais malheureusement ce n’est pas encore aujourd’hui que je croiserai le vieux sage. Pour tout vous dire, en terme d’élans, les seuls que je croiserai lors de ce voyage seront sous forme de saucissons en vente au free-shop de l’aéroport. Dommage.
Malgré ce besoin aigue de tutoyer le grand élan qui me ronge douloureusement, je continue à me balader dans une sorte de transe, tant je patauge dans cet eden polaire. Faut dire que le menu est élaboré. Je suis dans une forêt clairsemée, de bouleaux. Le sol est recouvert de 10 bons centimètres de mini arbustes, arbustes qui lui confèrent une incroyable souplesse. De plus, ces nordiques végétaux utilisent toutes leurs forces pour tendre à bout de branches des baies, outrageusement colorées et appétissantes. Une rasta blonde rencontrée la veille qui en est à son troisième kungsleden m’a affirmé qu’elles sont toutes comestibles et je ne me régale, inconscient ou confiant que je suis en la disciple de Saint-Bob.
J’arrive finalement à la deuxième étape du jour, Kaitumjaure. Je m’arrête quelques instants afin de me ravitailler à la butik et repars rapidement pour les 9 derniers kilomètres. L’endroit est accueillant et j’y croise quelques sympathiques marcheurs qui auraient vite fait de me détourner de mon but. Une fois équipé en saucisses, chocolat et boites de thon, je repars donc, longe une rivière, la traverse via un pont, traverse une barrière destinée à endiguer les troupeaux de rennes et me tape un méga coup de barre à un petit kilomètres de Kaitumjaure…
Je mobilise mes énergies, me concentre, rappelles-toi Epy, tu as connu le mur, tu as connu l’atroce nuit Steenwerckoisiennes (morne plaine). Rappelles-toi que tout le 59 se livrait à d’atroces libations éthylisées alors que tu courais dans la noire nuit ! Mon mental prend donc péniblement le dessus et je repars. Je décide de m’accorder une pause au bout d’une heure et croque quelques cookies chocolatés. La fin du parcours est difficile, montée, haut plateau, et descente. La pluie qui revient en force rend la descente difficile et un peu dangereuse. J’évite de me vautrer vu que le réseau gsm n’est ici qu’un fantasme pour amateurs boutonneux de SF.
Le refuge est tenu par un papy qui m’explique le règlement local. Il me montre, ô délice nordistes, la cabane à sauna avant de m’engueuler parce que je m’y rends. Finalement, je comprends qu’il veut encaisser le prix de la nuit à 20h00 pile….
Par Epytafe - 15-09-2011 17:06:31 - 10 commentaires
28 août
Les jours commencent enfin à se ressembler doucement, je commence doucement à rentrer dans le rythme quotidien de la marche, exit internet, ordis, téléphones portables. Il y a très longtemps, exactement trois matin, juste avant de franchir le portail d’entrée du Kungsleden, j’ai attendu au bord de la route pour laisser passer une voiture, depuis je n’ai pas entendu de moteurs. Doucement, mon quotidien se transforme pour quelques délicieux jours, il s’accorde dans son entier au rythme de mes pas, sublime dépaysement.
Je suis à nouveau le premier à partir, je laisse à Vistas le seul français rencontré sur le Kungsleden, Johnathan, émigré de cœur en Suède. Il faut dire que la littérature concernant le Kungsleden n’existe pas en français. A part un ou deux ouvrages en allemand et un seul et unique en anglais, il faut apprendre le suédois ou improviser. Mais la rareté des rencontres n’empêche pas les renseignements de circuler, la preuve, je suis déjà en train d’explorer une vallée parallèle à la route initialement prévue.
Je traverse un pont qui enjambe la fougueuse rivière qui m’a bercé et débute une rude montée. Aujourd’hui, je vais passer un col et longer un lac qui flirte avec les 1200 mètres d’altitude. Ce sera ma plus haute journée, ce qui me permettra d’arpenter des paysages que je pourrais qualifier de lunaires pour autant que la lune soit pourvue de tonnes et de tonnes d’eau. Je longe un torrent déchainé pendant une dizaine de kilomètres, il est déchaîné et je passe de nombreuses cascades magnifiques, encore une fois, je suis absolument seul, enivré de beauté et d’un fugace mais puissant sentiment de liberté.
La pente se fait peu à peu moins rude et les précipitations de la nuit sont encore bien présentes, le sentier est inondé et je patauge dans la boue, Mais je ne veux marcher à côté de la trace, je ne veux pas, de peur de l’abimer, marcher dans cette espèce de végétation polaire, extrêmement variée pour peu que je me penche pour l’examiner. Les fleurs s’élèvent fièrement de 3 bons centimètres au dessus du sol au milieu de mousses et d’arbustes qui ne m’arrivent pas à la cheville.
La végétation se fait de plus en plus rare, laissant la place à des pierriers Après 10 kilomètres, le refuge de Nallo apparait sur ma gauche, le décor est grandiose, une large rivière nous sépare et j’ai beau m’arracher les yeux, je ne vois pas de pont. Une pancarte m’avertit que si je continue tout droit, je vais aller à VAD. Non seulement je ne vais pas à VAD mais à Salka et en plus je dois emprunter la vallée sur la gauche. Mais devant les 20 mètres d’eau tourbillonnante qui me séparent du refuge de Nallo, je me dirige en direction de Vad, espérant trouver un sentier ou tout au moins une explication.
Après 500 mètres, une nouvelle pancarte m’indique que Vad est sur ma gauche, dans la rivière et c’est là que j’ai un éclair de génie, Vad signifie tout simplement gué en idiome local… La rivière est beaucoup plus large à cet endroit, 40 bons mètres, donc elle est nécessairement moins profonde. Et c’est heureux comme un gamin que je sautille de pierre en pierre, cherchant ma route, revenant sur mes pas, il me faudra bien 20 minutes pour passer et je rigole comme un fou. Devant le refuge, ce qui ressemble à un être humain me regarde passer. La première rivière passée, je dois encore traverser la deuxième, le refuge de Nallo est en effet construit juste à la jonction de deux rivières et le cirque gué recommence pour mon plus grand plaisir.
J’arrive devant le refuge et un vieux bonhomme sec et droit me salue et me demande si je compte passer la nuit dans sa cabane. Je décline gentiment et il soupire, le refuge de Nallo est situé sur un sentier très peu fréquenté et entre deux refuges éloignés de 10 kilomètres chacun, le gardien s’emmerde donc la moindre… Je profite pour lui demander mon chemin et il m’accompagnera sur un kilomètre pour me mettre sur la bonne voie. Ensuite il me dit de suivre la rivière en la gardant à ma gauche et de faire pareil avec le lac alors que le sentier passe à droite dudit lac. Je ne saurai jamais si c’est de l’humour suédois… Parce j’ai suivi son conseil et j'ai beaucoup beaucoup pataugé….
Je quitte donc le comique troupier et continue à grimper un moment dans ce qui ressemble de plus en plus à une lune humide. 100 mètres en dessous du sentier le torrent hurle, parfois quelques rennes s’enfuient en m’apercevant. Ces palmipèdes sont terriblement craintifs, et c’est uniquement par très gros brouillard que j’arriverai à les approcher.
J’arrive au lac, un sublime et pur miroir de montagne, 2 kilomètres de long environ pour 500 mètres de larges. Je le garde donc à ma gauche comme me l’a conseillé le papy. Le terrain est un pierrier, un très vieux pierrier couvert d’une espèce de mousse noirâtre. Dessous, dessus ruisselle des quantités énormes d’eau. Comme je suis le seul et unique couillon à passer par là depuis au minimum 2 siècles, la mousse à tout envahi, elle est glissante et elle cache les trous du pierrier, il faut donc poser le pied avec précaution car il est impossible de savoir si il y a quelque chose sous la mousse et je me tord régulièrement les chevilles quand je ne me casse pas la figure en glissant. Je suis un peu énervé, d’autant plus que comme partout dans le grand nord je n’ai pas de réseau natel (faut bien que je place un helvétisme parfois). Donc, en cas d’accident je serais vraiment dans la mouise…
J’avoue ne pas bien comprendre le comportement du papy rigolo, mais je ne suis pas passé de l’autre côté, peut-être était-ce vraiment pire ? J’ai toutefois entraperçu deux bipèdes qui longeaient le lac de l’autre côté et leur démarche avait l’air bien moins emprunté que la mienne… Bref, je ne saurai pas mais j’ai de la peine à imaginer ce paisible grand-père me jouer un tour de cochon….
Une fois passé le lac, je cherche me retrouve sur un plateau entouré de montagnes, toujours en train de patauger sur cette mousse noire. Je cherche un moment avant de retrouver le sentier, mais finalement un cairn me permet de me réorienter. Une autre traversée de rivière agitée me procure un petit coup de stress. Plus loin, je croise deux extra-terrestres… Deux très très vieux suèdois (entre 70 et 80 à vue de nez) équipés de sacs à dos style 70’s, tu te rappelles ? Ces sacs à dos avec l’armature en alu que tu pouvais rabattre pour le transformer en fauteuil ? Sur chacun de ces sacs pleins à craquer sont attachées sacs de couchages, matelas et tentes. Des tasses de fer blanc pendent également de ces amoncellements anthropoportés. Je discute quelques minutes avec le couple et je les préviens qu’il y a un gué difficile. La Dame offusquée m’explique gentiment qu’elle parcourt ces plateaux depuis l’époque préhistorique et qu’elle connait donc le terrain. Nous nous quittons sur un grand sourire.
Peu après, je vois le refuge, tout en bas d’une autre vallée. Refuge que j’atteins après une petite heure de plongée vertigineuse…. Là bas, un autre sauna également posé à côté de la rivière tout aussi glacée. Le refuge de Salka est constitué de 4 petits chalets, dans un, 6 ou 7 ados en camps de vacances. Et je rigole tout haut de voir les 6 ou 7 ados planqués et alignés pour aller regarder la rivière lorsque le sauna est réservé aux dames….
Pour le Rag' : Père Noël or not ?
Par Epytafe - 26-12-2008 02:10:33 - 11 commentaires
Le Rag' dans un billet récent nous assène sa décision de laisser rêver ses enfants, de les laisser croire que le vilain barbu habillé de rouge et blanc ne l'est pas dans le but de les persuader que nul bonheur n'est possible sans Coca-Cola, mais bien dans le but de leur amener des cadeaux....
Je ne sais quoi en penser. J'aurais tendance à dire que tout manquement à la pure vérité est mensonge, d'un autre côté, je fais partie des mômes qui ont appris l'existence du père noël alors qu'ils n'avaient déjà plus l'âge d'y croire. Mon éducation a été établi en ne visant qu'un seul but: empêcher Épi de se trouver pris en flagrant défaut de naïveté.
Et pour être sûr que je n'aies pas la moindre envie de croire que mon prochain puisse être bon, je connaissais déjà bien les divers détails de l'extermination de 39-45 et le camp d'Auschwitz n'avait plus tellement de secret pour moi dès mes 6 ou 7 ans. Alors que personne de ma famille ou de mes proches n'a eu à souffrir de ces abominations. Je me souviens d'entretiens houleux avec la mégote (institutrice par ici) de maternelle qui tentait de m'expliquer que non, ce n'était pas plus efficace de gazer les voleurs plutôt que les mettre en prison. Et tout ça parce que je faisais des propositions novatrices à mes camarades lors de nos parties de gendarme et voleurs de la récréation.
Bref, j'ai toujours eu cette impression étrange de me sentir plus lucide que la moyenne de mes concitoyens, voter représente un effort pour moi, et je m'y astreint à chaque votations, donc 5 ou 6 fois par année en Suisse, pas parce que je crois à ce geste, non. Y aller (car j'y vais à chaque votation) est plutôt une forme de politesse envers ceux qui rêvent de glisser un jour un bulletin dans une urne. Je me crois donc moins naïf, car élevé au biberon de la triste réalité dans ce qu'elle a de plus abjecte et je ne me sens donc nullement ému par la libération de la fameuse Ingrid, tellement je suis intimement persuadé que cette libération est le résultat de magouilles divers et occultes. Dans une autre veine, je me souviens de mon premier concert dans un stade, où j'étais allé écouter le vieux Lou Reed lors de mes 16 ans, concert qui fut suivi par une prestation d'Irlandais à la musique alors encore écoutable, j'ai nommé U2. Ils avaient l'abitude de terminer les shows par une longue longue chanson (vous trouvez ça sur le live "under a red blood sky") et j'avais été particulièrement énervé par toutes ces mains qui voulaient se saisir de la mienne afin de me faire partager ce ridicule sentiment communautariste. Une seule et unique fois j'ai cru que le monde irait mieux, nul n'est parfait...
D'un autre côté, je suis conscient que la part de rêve qui a manqué lors de mon enfance n'est pas réparable. Ne vous inquiétez pas pour moi, je vais mieux. Et même si je ne crois absolument pas que l'on arrêtera le réchauffement planètaire, que l'idée que la crise mondiale est enfin l'occasion de tabler sur une nouvelle approche en matière d'énergie me fait ricaner en cachette, je ne me pense pas plus malheureux que le commun de mes concitoyens. Mais je sais toujours pas si toute vérité est bonne à dire aux enfants. Je sais juste que quoi que je leur raconte, je ne me sens pas très à l'aise, soit parce que j'ai l'impression de leur mentir, soit parce que j'ai l'impression de casser leur monde onirique...
Par Epytafe - 18-08-2008 18:18:34 - 7 commentaires
Ta mention de l’anniversaire de la construction du mur m’a donné envie de raconter une petit histoire personnelle liée à ce mur. Rien de bien prétentieux, juste une petite aventure arrivée à un adolescent qui a eu la chance de grandir en Suisse et qui se retrouve brutalement confronté au quotidien d’une dictature.
Cette histoire prend place au milieu de vacances de deux ados qui ont décidés de découvrir l’Europe en profitant des billets interails. Muni donc de ce précieux sésame pour l’Europe et de 700 francs suisses en poche nous voilà partis pour un mois de vacances à travers l’Europe. Comme les fonds n’étaient pas bien élevés, il fallait jongler dur avec l’argent. Camping à Londres tenu par des punks, Sleep-in à Amsterdam et parcs publiques à Berlin. Malgré tout, une journée à l’Est s’imposait et nous avons donc sacrifié au change des 25 Deutsch Mark réglementaires. Le passage de frontière fut long, très long mon compagnon de voyage avait oublié son passeport et sa carte d’identité nous avait obligés à quelques visites supplémentaires de bureaux de douane.
Une fois la frontière passée, les longues queues d’Alexander Platz ne nous séduisant guère, nous avons pris le métro au hasard avec l’espoir de voir le quotidien des est-Berlinois. Les prix extrêmement bas pratiqués dans les restaurants et l’obligation de dépenser les 25 DM nous a occupé un moment. 2 plats du jour chacun et un ou deux litres de bières plus tard, nous revoici à arpenter les rues berlinoises. Et on arrive, par hasard, devant ce fameux mur. Pas celui couvert de graffitis de l’ouest, non, le gris, dur de l’est, avec encore son aspect de cicatrice, au bout d’une rue abruptement coupée par cette longue barre grisâtre. Le mur est équipé d’une porte, oui, une grosse porte blindée qui coulisse sur des rails. Cinq mètres avant, deux panneaux situés de chaque côté de la rue annonce à tout en chacun qu’il est interdit de franchir cette limite en 5 ou 6 langues différentes.
Je me doute bien que la limite signalée sur les panneaux est une ligne imaginaire qui les relie et non le mur lui-même. Mon pote lui est déjà collé à cette porte blindée, cherchant une fente quelque part histoire de jeter un œil derrière. La porte s’ouvre, glisse sur ses rails et un soldat sort, puis un deuxième, un troisième, dix environ. Ces soldats nous braquent de leurs fusils d’assaut en hurlant des trucs que je ne comprends pas, mon monde bascule. Quand on a 17 ans et qu’on a grandit en Suisse, se faire braquer par des militaires ne fait pas partie des habitudes. Nous levons les bras au ciel et tentons de comprendre ce qu’on nous dit. Par geste on nous explique qu’on doit s’assoir, la tête entre les jambes.
Une heure passe, deux peut-être, une heure d’angoisse terrible. Je comprends vite qu’on ne va pas nous tuer, ni nous envoyer au goulag, mais nous n’avons que les restes des 25 DM sur nous, pas de cartes, pas de chèques et, évidemment, personne de nos famille et amis ne sait où l’on est. Après une heure, j’ai réussi à juguler mon angoisse en me résonnant, je décide qu’une clope me calmerait totalement. Je relève donc la tête, l’air cool et met la main dans ma poche. Un bruit métallique me répond, un puis deux puis dix mouvements de charge calment mes envies de nicotine et donnent une nouvelle jeunesse à mes angoisses.
Plus tard, une Lada arrive, en sort un flic en civil qui nous pose des questions. Je ne parle pas l’allemand, ou plutôt peu. Comme j’ai trop peur de dire une connerie, je prétends ne pouvoir m’expliquer qu’en français ou en anglais. Le flic repart après avoir pris nos passeports, la peur nous noue les tripes, nous sommes toujours assis, une dizaine de canons de fusils dirigés sur nous, sans passeports. Plus tard, le même mec revient accompagné d’un type qui nous ordonne de nous lever et de monter dans la Lada. On obéit, le trajet n’est pas très long. On sort de la voiture et les deux types nous conduisent en cellule. Nous voilà enfin débarrassé des soldats, mais nous voilà également en prison.
On attend encore, une heure, deux peut-être, avant de se faire interroger, séparément, devant une grande table derrière laquelle siègent 4 ou 5 hommes. Les questions ne varient pas : - D’où venez-vous ? Où allez-vous ? Comment vous appelez-vous ? Et ça recommence encore et encore. Ils me demandent d’écrire mon nom et adresse sur un papier, mes mains tremblent un peu. Et la série de question recommence. Puis, on nous reconduit en cellule, pas longtemps cette fois. Le flic qui nous a pris nos passeports revient, nos précieux documents à la main et nous emmène, à l’air libre cette fois. Il nous laisse, dehors et nous dit en guise d’adieu : -« Go back to west ! » on ne tardera pas à lui obéir…
Je reviendrai à Berlin, en 1989, en décembre. Toujours fauché, nous avons campé, le sol était gelé, presque impossible d’y enfoncer des sardines, le froid était terrible, douloureux. Mais il était impossible de ne pas participer à la grande fête, de ne pas aller voir ce mur s’écrouler. Une fois dans ma vie, j’ai cru, assez naïvement je l’admets, que le monde deviendrait meilleur. J’ai tapé sans relâche sur ce mur, je l’ai cassé, franchi durant la nuit de nouvel an avec des dizaines de milliers de Berlinois euphoriques. Le froid était tel que l’ami qui m’accompagnait est rentré de cette semaine de camping hivernale avec une pleurésie. Mais un acte de foi en l’avenir est quelque chose de suffisamment rare, voire unique, dans une vie pour ne pas en profiter pleinement....